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(F)utilité Publique
16 mai 2012

Les inconnus familiers

Souvent il m’arrive, lorsque je suis chez moi, de m’assoir sur mon fauteuil préféré et de laisser vagabonder mes yeux ; les laisser se poser sur les objets qui les attirent, les livres et les photos.

Des photos j’en ai plusieurs, encadrées et pour la plupart posées sur les rayons de mes bibliothèques.

Il y a des photos de mes proches bien sûr mais pas que.

Un certain nombre des photos que je préfère ne sont pas celles de personnes que je connais. Tout du moins pas intimement.

Il y a par exemple cette photo de Beckett, assis, de profil, devant une fenêtre, une cigarette allumée laissant échapper ses volutes de fumées. Lui a les mains posées sur ses cuisses, la tête baissée, les yeux fermés. Cette photo je la trouve magnifique. Bien sûr le modèle y est pour beaucoup, Samuel Beckett, pour un photographe c’était tout de même de l’or non ? Plus il vieillissait, plus son visage se ridait et plus il devenait superbe. Un de ces visages plein de caractère qu’on a envie de dessiner.

 

IMG_10215

 

Et il n’y a pas que lui qui peuple ainsi mon lieu. Celle d’une sorte de petite cour, située à droite du Chelsea Hotel, dans laquelle un homme déjeunait, est ainsi exposée en bonne place.

IMG_1421

Je me pose souvent des questions lorsque mon regard retombe sur elle. J’imagine la vie de cet homme, son visage (que je n’ai jamais vu puisqu’il n’a jamais relevé la tête de son repas), son nom… Bref je m’invente des histoires.

En plus, j’ai l’impression de l’avoir enfermé doublement le pauvre.

La première en prenant cette photo à son insu. J’ai capturé son image, son instant ; poussant le crime jusqu’au bout en l’encadrant et en l’affichant chez moi.  

La seconde à cause de la composition : Autours de lui des briques, du ciment, des barreaux. Un peu comme la cage aux ours de la ménagerie du jardin des plantes.

 Recroquevillé au-dessus de son plat, il est prisonnier éternel de mon regard.

Une autre question s’amène à moi : Et si, moi aussi, j’étais exposée quelque part sur cette terre chez quelqu’un ?

Une partie de moi, un petit moment de vérité nue (puisque je ne me suis pas rendue compte qu’on me prenait en photo, je n’ai pas pu « poser »), chez une personne totalement inconnue (et que je ne connaitrai probablement jamais).

Bien sûr, ce qui est valable pour moi l’est aussi pour vous.

Peut être même que dans votre cas, c’est un photographe de renom qui vous a immortalisé à votre insu…

De ces digressions me revient une phrase de Roland Barthes dans La Chambre Claire* :

« Pour le reste, pour le tout-venant des « bonnes photos », tout ce que l’on peut dire de mieux, c’est que l’objet parle, il induit, vaguement, à penser ».

 Alors, si nous aussi, quelque part, chez quelqu’un, on arrive à induire (même vaguement) à penser, c’est plutôt positif et flatteur non ?

 

* Pour ceux que la photographie intéresse, je recommande vivement la lecture de cet essai sur la photo qu'a écrit Barthes.

Et si comme moi, vous aimez marquer les pages des livres mais ne pas les corner, les marque-pages post-it Muji sont parfaits.

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